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Actualité sociale

RETRAITE

La réforme des retraites

La réforme des retraites est passée par le biais du 49-3 pour une mise en œuvre en septembre 2023, à ce jour. Manque le passage devant le conseil constitutionnel avec des arguments peu probants vis-à-vis de la constitution.

Autre mesure dans cette réforme, la modification du régime social et fiscal de l’indemnité de rupture lors d’une rupture conventionnelle pour, selon l’argument du législateur, éviter que les seniors subissent des ruptures de contrat avant la prise de retraite. Argument quelque peu contestable puisque la rupture conventionnelle relève d’une double volonté. D’expérience, nous savons bien que les ruptures conventionnelles relevaient plus du fait du salarié que de l’entreprise lorsque le senior approche de l’âge de la retraite. Financièrement, une indemnité de retraite est nettement moins élevée qu’une indemnité de licenciement :

Extrait du projet porté devant le Sénat :

« L’harmonisation du régime social des indemnités de mise à la retraite et de rupture conventionnelle pour inciter à maintenir le salarié dans l’entreprise

Le  du I du présent article modifie l’intitulé de la section 6 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, actuellement nommé « contribution sur les indemnités de mise à la retraite » pour le renommer « contributions sur les indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle et de la mise à la retraite ».

Le  du I réécrit l’article L. 137-12, au sein de la section précitée, qui régit aujourd’hui la contribution sociale due sur l’indemnité de mise à la retraite. Il institue, à la charge de l’employeur et au profit de la Cnav, une contribution assise sur les indemnités versées à l’occasion de :

– la mise à la retraite à l’initiative de l’employeur43(*) ;

– la rupture conventionnelle44(*).

Est soumise à cette contribution la part des indemnités exclue de l’assiette de cotisations sociales. Son taux est fixé à 30 %.

Le  du I modifie l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, qui régit le forfait social, afin de tirer les conséquences, pour les indemnités de rupture conventionnelle, de la création par le présent article de la contribution forfaitaire. Il supprime ainsi le huitième alinéa de cet article L. 137-15 qui soumet au forfait social les indemnités de rupture conventionnelle et modifie le 3° de ce même article pour exonérer ces indemnités de forfait social.

Le II modifie le 7° de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, qui exonère de cotisations sociales les indemnités versées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail, dans la limite de deux fois le Pass, lorsque qu’elles ne sont pas imposables. La modification proposée consiste à préciser que cette exonération sera également applicable aux indemnités versées aux salariés en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, qui sont dans ce cas soumises à l’impôt. Par conséquent, ces sommes seront aussi exonérées de CSG et de CRDRS.45(*)

Dès lors, la contribution créée par le présent article sera applicable aux indemnités de rupture conventionnelle que le salarié puisse ou non faire valoir ses droits à la retraite.

Le III prévoit que le présent article sera applicable aux cotisations et aux contributions dues au titre des périodes d’emploi courant à compter du 1er octobre 2023.

Selon les éléments transmis aux rapporteurs par la direction de la sécurité sociale, la mesure proposée génèrera des recettes supplémentaires estimées à 275 millions d’euros en 2027 et 300 millions d’euros en 2030. »

Quelques chiffres issus d’une documentation du site « Stratégie.gouv.fr »

Les rupture de contrat par taille d’entreprise : quels enseignements ?

Les « préférences » pour les différentes ruptures varient selon la taille de l’entreprise

Les pics de sorties par âge sont différents selon les types de ruptures

Ø Ruptures conventionnelles: 59 ans en-deçà de 5000 salariés, 60 ans et 62 ans pour les 5000+

Ø Licenciements non-économiques : pas de pic en-deçà de 10 salariés, 59 ans au-delà

Ø Licenciements économiques : pas de pic en-deçà de 10 salariés, 60 ans et 62 ans au-delà

L’absence de pic de sortie avant 59 ans

Ø Les raisons qui expliqueraient un pic de ruptures à « 59 ans » ne créent pas de pic à 57 ans

Ø Pour aucun des modes de rupture, quelle que soit la taille de l’entreprise

Un comportement différencié des TPE

Ø Une tendance à privilégier les ruptures conventionnelles, aux licenciements non-économiques sans influence claire de l’âge de la retraite

Ø Une légère inclination pour les licenciements économiques avec une faible influence de l’âge de la retraite

Ø Relativement peu de départs directs en retraite

Quelques données chiffrées pour mettre en perspective

– Unités légales selon le nombre de salariés et l’activité en milliers

01 à 910 à 4950 à 99100 à 249250 ou plusTotal
Total3 474,51 028,1172,618,110,86,34 710,4
  • Source : Insee, REE (Sirene).

Les coûts cachés de la réforme

Avec la réforme des retraites, les salariés vont vieillir deux ans de plus au travail. Or les seniors sont déjà aujourd’hui particulièrement exposés aux accidents du travail.

Pas en nombre, puisque les plus de 50 ans, qui pèsent 29% des actifs, ne représentent « que » 25% des accidentés, indique la Dares.

Mais en gravité : 58% des morts par accident du travail ont plus de 50 ans. Une sur-représentation que l’on retrouve aussi dans les incapacités permanentes liées au travail, qui concernent à 41% les plus de 50 ans. Les seniors ont par ailleurs des arrêts maladie plus longs en moyenne, de 75 jours pour les plus de 60 ans, contre 18 jours pour les moins de 18 ans.

La Mutualité française alerte sur les conséquences pour leur santé, alors qu’ils sont déjà aujourd’hui sur-représentés parmi les morts au travail. Elle appelle au renforcement des politiques de prévention et de la médecine du travail.

Les principales mesures de la réforme

  • L’âge légal de départ à la retraite passe de 62 à 64 ans. A partir du 1er septembre 2023, cet âge sera progressivement relevé pour atteindre 64 ans 2030 (générations 68 et les suivantes).
  • La durée de cotisation pour bénéficier de la retraite à taux plein est portée à 43 trimestres en 2027.
  • L’âge de la retraite reste fixé à 67 ans pour les personnes qui n’auraient pas pu cotiser 43 ans.
  • S’agissant des carrières longues, les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans pourront partir à 58 ans ; entre 16 et 18 ans, à partir de 60 ans et entre 18 et 20 ans, à partir de 62 ans.
  • Les victimes d’incapacité permanente (accident du travail ou maladie professionnelle) pourront partir à 60 ans. Les travailleurs handicapés pourront partir à compter de 55 ans.
  • Les principaux régimes spéciaux de retraite disparaissent, cette extinction ne concernera que les futurs embauchés.
  • L’index senior pour les entreprises de plus de 300 salariés
  • L’expérimentation du CDI senior
  • S’agissant des mères de famille, une majoration de 5% de leur pension sera réservée aux femmes, qui, à 63 ans, ont atteint la durée de cotisation nécessaire pour atteindre le taux plein, et ont acquis au moins un trimestre au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation d’enfants.

ANI PARTAGE DE LA VALEUR

L’ANI sur le partage de la valeur est finalisé. Certaines mesures de ce texte devront être reprises dans une loi, d’autres s’appliqueront dès l’extension. A signaler l’enrichissement de la BDESE mais aussi des nouveautés concernant la négociation collective, l’égalité professionnelle, la PPV, l’épargne salariale ou encore l’actionnariat salarié.

Nouveau contenu fiscal pour la BDESE

L’ANI met en avant l’importance de recourir à la négociation pour adapter et enrichir la BDESE notamment en matière de données fiscales pour tenir compte des spécificités de l’entreprise en fonction de son secteur d’activité.

Rappel

C’est un accord d’entreprise majoritaire ou, en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des membres titulaires qui définit les modalités de la BDESE notamment son contenu. A défaut d’un tel accord, dans les entreprises de moins de 300 salariés, un accord de branche peut fixer le contenu de la BDESE.

L’ANI souligne que les entreprises insèrent dans la BDESE, lorsqu’elle existe, la déclaration publique « pays-par-pays » telle que prévue par une directive européenne de 24 novembre 2021 (n° 2021/2101) et qui concerne la communication d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés, pour certaines entreprises et succursales.

Les bilans sociaux individuels et l’épargne salariale encouragés

Pour mieux mettre en lumière le partage de la valeur, la mise en place de bilans sociaux individuels est recommandée. Les partenaires sociaux soulignent que le partage de la valeur ce n’est pas seulement le salaire et l’épargne salariale mais aussi les avantages sociaux (titre restaurant, forfait mobilité, CESU préfinancés, etc.).

Epargne salariale

Concernant l’épargne salariale, une série de mesures est envisagée dans les petites entreprises, notamment obliger à la mise en place d’au moins un dispositif légal de partage de la valeur (intéressement, participation, mais aussi PPV), passé un certain bénéfice net fiscal, à partir de 2025.

Autre mesure proposée : encourager le fait de faire apparaître au moins un critère non financier dans les accords d’intéressement et faciliter le choix de critères RSE.

Pour les entreprises d’au moins 50 salariés il est prévu de mieux prendre en compte les résultats exceptionnels en leur imposant de créer une clause spécifique qui prévoirait le versement automatique d’un supplément ou renverrait à une nouvelle discussion sur le versement d’un dispositif de partage de la valeur. Dans les entreprises déjà couvertes par de l’intéressement ou de la participation, une négociation à ce sujet devrait en principe s’ouvrir avant le 30 juin 2024.

Il est aussi prévu de permettre le versement d’avances périodiques pour la participation.

Enfin l’ouverture de 3 nouveaux cas de déblocage anticipé des PEE est demandée pour adapter l’épargne salariale aux nouveaux défis :

  • Pour les dépenses liées à la rénovation énergétique des résidences occupées à titre principal ;
  • Pour faire face aux dépenses engagées en tant que proche aidant (sous réserve de justificatifs) ;
  • Pour l’acquisition d’un véhicule dit propre (neuf ou d’occasion).

Modification de la PPV

Plusieurs évolutions sont demandées concernant la prime de partage de la valeur (PPV) notamment :

  • Ouvrir la possibilité de la placer dans un plan d’épargne entreprise ou retraite ;
  • Revoir le nombre de versement de PPV dans l’année ;
  • À compter du 1er janvier 2024, maintenir le régime fiscal et social en vigueur au 1er janvier 2023 pour les entreprises de moins de 50 salariés.

L’actionnariat salarié favorisé

Parmi les mesures proposées, il est demandé la mise en place d’un nouveau dispositif de partage de la valeur pour permettre aux entreprises de toute taille qui le souhaitent d’instaurer un plan de partage de la valorisation de l’entreprise. Ce plan bénéficierait à l’ensemble des salariés ayant au moins 1 an d’ancienneté qui se verraient attribuer un montant indicatif. Au bout de 3 ans les salariés percevraient le montant correspondant au pourcentage de valorisation appliqué à ce montant indicatif.

Autre mesure : ouvrir une plus grande portion du capital aux salariés. Le plafond global d’attribution d’actions gratuites pourrait notamment être augmenté.

Important

L’ANI prévoit qu’il s’appliquera à toutes les entreprises une fois étendu.
Si certaines mesures sont très précises et fixent même une date d’entrée en vigueur (comme par exemple la clause spécifique en cas de résultat exceptionnel) certaines mesures ne sont qu’au stade de la proposition et doivent être précisées par une loi ou des décrets.
La Première ministre Elisabeth Borne a d’ailleurs déclaré qu’elle proposerait une transcription fidèle et totale de cet accord dans la loi. Cela devrait être fait au printemps dans le cadre d’une loi sur le plein emploi.

JURISPRUDENCE

Exécution du contrat

  • Dès lors que l’employeur, par l’effet d’un engagement unilatéral, a reconnu au salarié le coefficient 250, il en résulte que ce dernier doit bénéficier de la rémunération correspondant à ce coefficient selon l’accord d’entreprise, peu important les fonctions qu’il exerce réellement (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-25.376 F-D).

L’application du salaire minimal en regard au coefficient attribué est indépendant des fonctions du salarié.

  • L’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral. Une cour d’appel ne peut pas débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au motif qu’il ne peut être reproché à l’employeur aucun manquement à son obligation de protection de la santé ou de prévention du harcèlement moral dans la mesure où les difficultés rencontrées par l’intéressée avec sa supérieure hiérarchique ne peuvent pas être qualifiées de harcèlement moral (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-13.223 F-D).

En matière de sentiment de harcèlement, l’inaction de l’employeur est coupable.

Durée du travail

  • Ayant constaté qu’un salarié, directeur des ressources humaines et de la communication, bénéficiait, de la part du directeur général, seul titulaire des délégations de la part du conseil d’administration, de subdélégations et qu’il devait, en dépit d’une grande autonomie dans l’exercice de ses fonctions, en référer au directeur général et qu’il ne signait ni les lettres de convocation à l’entretien préalable, ni les lettres de licenciement, la cour d’appel aurait dû en déduire que ce salarié n’avait pas la qualité de cadre dirigeant (Cass. soc. 15-3-2023 n° 21-21.632 F-D).

Pas de qualité de cadre dirigeant si le DRH n’a pas la signature des courriers envoyés aux salariés

  •  Lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L 3121-4 du Code du travail. Une cour d’appel ne saurait donc dire que ne constitue pas un temps de travail effectif, le temps de déplacement professionnel et débouter le salarié de sa demande en paiement d’heures supplémentaires alors qu’elle avait constaté que l’intéressé était soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance et que, pour effectuer ces opérations, il utilisait un véhicule de service et était amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-12.068 F-B).

Pour la cour de cassation, le fait de transporter des pièces détachées constitue la preuve d’un travail effectif !

  • Le salarié, qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi et cette indemnisation comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-12.068 F-B).

L’impossibilité faite à son salarié de déposer une demande de repos compensateur ouvre droit à une indemnisation du préjudice en plus du paiement des jours de repos + CP.

Exécution du contrat

  • L’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi. Il en résulte que : 
    • constituent un moyen de preuve illicite les enregistrements extraits d’un dispositif de vidéosurveillance dont la salariée n’avait été informée ni des finalités, ni de la base juridique, et pour lequel l’employeur n’avait pas sollicité l’autorisation préfectorale préalable exigée par les textes. Ayant constaté que la production de ces enregistrements n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur, dès lors que celui-ci disposait d’un autre moyen de preuve qu’il n’avait pas versé aux débats, la cour d’appel a pu décider que les pièces litigieuses étaient irrecevables, peu important qu’elle ait ensuite estimé que la réalité de la faute reprochée à la salariée n’était pas établie par les autres pièces produites (Cass. soc. 8-3-2023 n° 21-17.802 FS-B).
    • le rapprochement opéré par l’employeur entre les données collectées par un système de badgeage et celles issues du logiciel de contrôle du temps de travail afin de contrôler l’activité et les horaires de travail des salariés, sans avoir procédé à une déclaration auprès du correspondant informatique et liberté au sein de l’entreprise ni informé préalablement les salariés et les institutions représentatives du personnel que les horaires d’entrée et de sortie des bâtiments étaient susceptibles d’être contrôlés, constitue un mode de preuve illicite. Une cour d’appel ne peut pas décider que ce mode de preuve ne peut pas être utilisé pour prouver la faute reprochée, sans vérifier si cet élément n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et si l’atteinte au respect de la vie personnelle de la salariée n’était pas strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. soc. 8-3-2023 n° 21-20.798 FS-D).

Ce n’est pas parce que le moyen de preuve est illicite que cela interdit à la cour d’appel de vérifier les preuves et de constater si ceux-ci sont une atteinte à la vie privée et si elles étaient indispensables à l’employeur pour prouver la faute commise.

  • Une cour d’appel a pu décider que le procès-verbal de police invoqué à l’appui du licenciement disciplinaire d’un chauffeur de bus avait été obtenu de manière illicite et était donc irrecevable dès lors que (Cass. soc. 8-3-2023 n° 20-21.848 FS-B) :
    • la preuve de la faute grave énoncée dans la lettre de licenciement n’était administrée par l’employeur qu’au moyen de ce procès-verbal, dressé après que le salarié avait lui-même déposé plainte pour vol de tickets de bus, et que les enquêteurs, en visionnant les enregistrements vidéo du bus conduit par celui-ci, avaient relevé des infractions au Code de la route contre ce dernier, 
    • de l’aveu même de l’employeur, la communication du procès-verbal était intervenue dans le cadre informel des relations qu’il entretenait pour les besoins de son activité avec les autorités de police, en sorte que cette délivrance de pièce issue d’une procédure pénale à laquelle l’employeur était tiers, intervenue sans justification d’une autorisation du procureur de la République, était illicite,
    • et que l’employeur, de manière déloyale et en méconnaissance de ses propres engagements résultant de la charte de la vidéo-protection en vigueur dans l’entreprise, d’une part, avait accepté de remettre l’enregistrement à la police, alors qu’aucune infraction ou perturbation afférente à la sécurité des personnes n’était en cause s’agissant de l’allégation d’un vol de titres de transport sans violences et, d’autre part, avait utilisé les constats tirés par la police de cet enregistrement contenus dans le procès-verbal dont il avait en outre irrégulièrement été destinataire, pour prouver la faute du salarié et procéder à son licenciement, en violation de de la charte aux termes de laquelle il s’était engagé à ne pas recourir au système de vidéoprotection pour apporter la preuve d’une faute du salarié lors d’affaires disciplinaires internes.

L’utilisation de moyens de preuve détourner ne peuvent être pris en compte par le juge.

  • Il appartient au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, d’abord, de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de l’inégalité de traitement alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée. Ayant relevé que, pour présenter des éléments laissant présumer l’existence de l’inégalité salariale alléguée entre elle et certains de ses collègues masculins, la salariée était bien fondée à obtenir la communication des bulletins de salaires de 8 autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien dans des fonctions d’encadrement, commerciales ou de marché, avec occultation des données personnelles à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile, la cour d’appel a fait ressortir que cette communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (Cass. soc. 8-3-2023 n° 21-12.492 FS-B).

La possibilité d’obtenir des moyens de preuve relève de la proportionnalité entre le moyen demandé, l’impact sur la vie privée et le besoin du juge pour établir la vérité.

  • La faute de nature à justifier la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat. Dès lors que le troisième contrat à durée déterminée avait pris effet le 29 janvier 2016, alors que les faits reprochés à la salariée, aux termes de la lettre de « licenciement », remontaient au 8 janvier 2016, soit antérieurement à la prise d’effet de ce troisième contrat, la société ne pouvait se fonder sur des fautes prétendument commises antérieurement à la prise d’effet du contrat pour justifier la rupture de celui-ci et ces fautes ne peuvent pas faire l’objet d’une sanction (Cass. soc. 15-3-2023 n° 21-17.227 FS-B).

On ne peut sanctionner une faute commise hors contrat de travail !

Paie

  • Dès lors que la procédure de vérification par échantillonnage a été mise en œuvre d’un commun accord et que la cotisante a procédé à la sélection des fichiers remis à l’Urssaf pour vérification après avoir été informée des critères utilisés pour définir les populations examinées, le mode de tirage des échantillons, leur contenu et la méthode d’extrapolation envisagée pour chacun d’eux et a fourni les échantillons d’analyse des populations concernées à l’Urssaf sans avoir manifesté la moindre observation durant les opérations de contrôle, il en ressort que les fichiers constituant les échantillons ont été sélectionnés avec l’assentiment de la cotisante qui était informée des critères définis par les inspecteurs du recouvrement. Par conséquent, la cotisante n’est pas fondée à contester les bases de calcul du redressement établies à partir des fichiers qu’elle a elle-même fournis de sorte que la vérification est régulière et que le redressement doit être validé (Cass. 2e civ. 16-2-2023 nos 21-13.025 F-D et 21-13.026 F-D).

Si, à l’occasion d’un contrôle URSSAF, vous donnez volontairement des fichiers pour effectuer les échantillons pour le contrôle, le résultat de l’échantillon ne peut être contesté.

  • Lorsque l’employeur demande l’inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, il appartient à la Carsat qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie au sein de l’un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n’a pas été rapportée, il incombe à l’employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d’une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale (Cass. 2e civ. 16-2-2023 n° 21-16.229 F-D).

Pour contester les sommes inscrites sur son compte au titre de la maladie professionnelle, la CARSAT doit prouver que ces sommes sui appartiennent bien ou à l’employeur de prouvé que la maladie a été déclenchée chez un autre employeur.

Rupture du contrat

  • Tout licenciement prononcé à l’égard d’un salarié en raison de son état de santé est nul. Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Il peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de la période d’éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, sauf lorsqu’il a occupé un autre emploi durant cette période. En revanche, les sommes réclamées au titre de l’intéressement et de la participation ne constituant pas des salaires, elles doivent être exclues du calcul de l’indemnité d’éviction versée au salarié réintégré (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-16.008 F-B).

Un licenciement pour raison de santé et nul et le salarié peut demander le paiement des sommes qu’il aurait dû toucher. Par contre pas d’intéressement ni participation (ce ne sont pas des salaires).

  • La salariée étant, au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle, dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont la cour d’appel a constaté l’existence, résultant notamment de propos déplacés réguliers, voire quotidiens, de nature discriminatoire et des troubles psychologiques qui en sont résultés, la convention de rupture est nulle (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-21.345 F-D).

La signature d’une rupture conventionnelle avec un salarié en situation de harcèlement moral est nulle.

  • Les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu’il a effectivement perçue du fait des manquements de l’employeur à ses obligations. Il doit donc être tenu compte, dans le calcul de l’indemnité de licenciement, du rappel de salaire auquel l’employeur est condamné au titre des heures supplémentaires accomplies dans les 12 mois ayant précédé la rupture (Cass. soc. 15-3-2023 n° 21-16.057 FS-B).

Le calcul de l’indemnité de licenciement se fait sur la base d’un salaire reconstitué.

  • La clause de non-concurrence stipulant que le salarié percevra une indemnité mensuelle égale à 5/10e de la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuelles dont il a bénéficié au cours des 12 derniers mois de présence dans la société, l’indemnité doit tenir compte du rappel de salaire que l’employeur est condamné à payer au salarié au titre des heures supplémentaires accomplies dans les 12 mois ayant précédé la rupture (Cass. soc. 15-3-2023 n° 21-16.057 FS-B).

Le paiement de la clause de non concurrence doit se faire sur la base de l’ensemble des salaires versés avant la rupture, y compris les heures supplémentaires.

  • La clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d’une contrepartie pécuniaire qu’en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié méconnaît la liberté fondamentale de ce dernier d’exercer une activité professionnelle et, comme telle, est nulle (Cass. soc. 15-3-2023 n° 21-16.810 F-D).

Une clause de non concurrence ne peut être rémunérée que si la rupture est su fait du salarié.

  • La rupture conventionnelle n’est imputable à aucune des parties. Dès lors que la clause de dédit-formation contenue dans l’avenant au contrat de travail stipule qu’en cas de rupture du contrat à son initiative ou non imputable à l’employeur, la salariée s’engage à payer un pourcentage des sommes engagées par l’employeur pour sa formation, la cour d’appel peut en déduire que cette clause ne prévoit pas de paiement d’une somme en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail, cette rupture intervenant d’un commun accord entre les parties et ne pouvant ainsi s’analyser ni en une rupture à l’initiative du salarié, ni en une rupture non imputable à l’employeur (Cass. soc. 15-3-2023 n° 21-23.814 FS-D).

Par de dédit formation à la suite d’une rupture conventionnelle.

  • Dès lors que la convention collective applicable prévoit qu’en cas de licenciement, sauf pour faute lourde, le cadre congédié après 2 ans de présence recevra une indemnité de licenciement calculée en fonction de son ancienneté dans l’entreprise, la cour d’appel ne peut pas débouter le salarié licencié pour faute grave de sa demande d’indemnité (Cass. soc. 8-3-2023 n° 21-16.687 F-D).

La convention collective ne prévoyant le non versement de l’indemnité de licenciement pour faute lourde, le salarié licencié pour faute grave y a droit !

Congés

  • Dès lors que le nombre de jours de congés annuels auxquels peut prétendre le salarié, calculé en jours ouvrés, équivaut à plus de 30 jours ouvrables, l’intéressé ne peut pas bénéficier des jours de congés supplémentaires pour enfants à charge prévus par le Code du travail (Cass. soc. 15-3-2023 n° 20-20.995 FS-D et n° 20-20.996 FS-D).

Pas de congés supplémentaires si la méthode de calcul des congés fait dépasser les 30 jours ouvrables.

Santé et sécurité

  • Lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail. Il en résulte qu’en l’absence d’une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l’employeur doit verser au salarié. Ainsi, les indemnités journalières versées par la sécurité sociale ne peuvent pas être déduites de cette rémunération (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-19.956 F-B).

Si lors d’une déclaration d’inaptitude, le salarié n’est pas licencié sous le mois prévu, le paiement des salaires doit être repris sans déduction des IJSS.

  • Les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l’inaptitude, par le médecin du travail sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir son obligation en la matière (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-14.493 F-D).

L’absence ou le retard de précision sur les conditions d’un reclassement d’un salarié déclaré inapte rend impossible son reclassement.

  • Seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-10.047 F-D[FD1] ).

Les recherches de reclassement doivent se faire en fonction des directives du Médecin du travail.

Contrôle – contentieux

  • La notification d’une mise en demeure régulière constituant un préalable obligatoire aux poursuites, la nullité de la mise en demeure prive de fondement l’obligation au paiement des sommes qui en font l’objet (Cass. 2e civ. 16-2-2023 n° 21-15.313 F-D).

Les poursuites en paiement doivent être précédées d’une mise en demeure pour qu’elles soient recevables.

  • En l’absence de texte spécifique, l’action de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel d’un accident, d’une maladie ou d’une rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par 5 ans en application de l’article 2224 du Code civil (Cass. 2e civ. 16-2-2023 n° 21-17.068 F-D).

La prescription en matière de contestation de la reconnaissance d’un AT ou MP est de 5 ans.